J'entre dans ma chambre et j'éteins la lumière.
Je me glisse derrière les rideaux fermés. Vers la fenêtre. Vers le ciel.
Il y a un avion ou un hélicoptère qui clignote... Peut-être qu'elle l'a vu aussi.
La couleur du ciel est sublime. ça me laisse pensive.
Tout là-bas il est presque vert et plus on monte, plus il est bleu... Bleu gris vert.
Foncé. Et en même temps comme transparent là-bas.

Je suis debout avec mon chocolat-noisettes qui fond dans la bouche.
Est-ce qu'elle regarde le même ciel.
Les larmes me brouillent la vue puis coulent sur mes joues.

J'me sens démunie. Nue.
Parfois je l'aime tellement que ça m'en fait mal.
Je ne sais pas pourquoi je pleure. J'ai cette douleur dans tout mon moi. Qui ne s'en va pas.
Ces images qui reviennent et me font toujours aussi mal.
J'en ai mal à la tête, mal à la gorge. Et je suis tendue dans tout le dos.

Celle qui se reflète sur le verre de la fenêtre est une petite fille. Je redeviens la petite fille que j'étais. Il n'y a plus de différences.
Elle avait les cheveux courts comme ça.
Elle était passionnée, entière.
Elle se donnait à fond dans tout.
Elle se donnait peut-être même trop d'ailleurs.
Elle se faisait toujours mal.
Elle était laide quand elle pleurait.
Elle avait une allure de godiche.
Elle savait pas très bien se tenir. Elle savait pas comment sourire.
Elle était naturelle.
Brut de décoffrage.
Elle pleurait le soir en mordant son oreiller.
Elle n'en voulait jamais à la Terre entière parce que la Terre entière ne lui avait rien fait.
Elle s'en voulait toujours à elle de ne pas avoir su dire ou faire cela comme ça.
De ne pas avoir répondu ça.
Elle était bien consciente que rien n'était parfait en elle.
Qu'on ne lui avait pas proposé la vie mais qu'il fallait qu'elle la joue quand même et du mieux qu'elle pourrait.
Elle avait l'impression de ne pas être comme il fallait parce qu'elle ne réagissait pas comme le faisait ses copines, parce que les garçons ne l'aimaient pas.
Elle savait très bien qu'elle n'était pas la plus malheureuse du monde, qu'elle n'avait aucune raison d'être triste.
Elle se sentait toujours un peu ridicule.
Parce que ses copines avaient toutes des longues nattes alors qu'elle n'avait que 5 centimètres de cheveux.
C'était pas elle qu'avait voulu.
Dans les parcs ou les squares, elle trouvait toujours un bébé auquel s'attacher, alors elle le faisait jouer et elle le portait dans ses bras, mais elle finissait toujours par le faire tomber. Elle voulait bien faire, mais elle était maladroite.
Elle avait le teint trop blanc et la voix trop rauque alors tout le monde pensait qu'elle était malade.
Elle offrait toujours son coeur à ceux qui n'en voulaient pas.
Elle était parfois étouffante quand elle aimait parce qu'elle n'était pas sûre d'elle.
La seule chose qui comptait c'était d'être aimée...
Elle n'avait pourtant que 5 ans 1/2...
Elle a plein de gens dans son coeur. Et ce n'est que le début.
Elle n'a encore rien vu.
C'est ce que tout le monde lui dit
Elle est encore siiii jeune.

"Est-ce que tu sais que j't'aime en pagaaaaille ?!
C'est comme un mal de vivre à la débraille
Le feu de Dieu qui court dans les entrailles...
Est-ce que tu sais que j't'aiiime en pagaiiille ?!!"